À Paris, la manufacture Berlier se rêve en temple de la mode circulaire #740

26/05/2023

Paris – Récupération de stocks invendus, confection à base de fils naturels… La manufacture Berlier, inaugurée jeudi, accueille entreprises et associations dans le but d’être le nouveau temple parisien de la mode circulaire, avec des créations d’emplois à la clé.

Contourner « une économie prédatrice qui ne s’intéresse ni à la planète ni aux gens (…) c’est possible, ce n’est pas une utopie », a lancé Anne Hidalgo lors de l’inauguration, saluant « une révolution pacifique, douce ». C’est au sud de Paris, dans le 13e arrondissement, rue Jean-Baptiste Berlier, que la manufacture a pris ses quartiers.

Six occupants se partagent ses 1.150 mètre cube, au deuxième étage d’un bâtiment vitré signé Dominique Perrault : l’association de chefs d’entreprise Fashion Green Hub, les associations d’insertion professionnelle Hawa, Espero et Trevo, l’atelier de teinture Whole et l’atelier de création et confection Coco&Rico.

Ces structures œuvrent à une mode plus responsable en récupérant invendus, chutes de production, fins de stocks. Elles produisent Made in France, forment à l’économie sociale et solidaire et embauchent des personnes éloignées de l’emploi.

Selon la Ville, d’ici 2030, la filière parisienne d’économie circulaire permettra de créer 3.000 emplois et d’éviter ou de valoriser 20.000 tonnes de déchets textiles par an. « Les marques de luxe sont très intéressées, elles nous disent « On a des hangars remplis de stocks dormants, on ne sait pas quoi en faire » », se réjouit Lucas Thivolet Conde Salazar, de Fashion Green Hub Grand Paris.

La mairie de Paris a versé 2,5 millions d’euros de subventions à la RIVP (régie immobilière de la ville de Paris), permettant de modérer les loyers de la manufacture.

Celle-ci est « centrale, accessible et baignée de lumière », s’enthousiasme Thomas Ebélé, président de Fashion Green Hub Grand Paris, qui loue « un lieu au coeur de l’héritage de l’industrie textile », où coulait auparavant la Bièvre, alimentant teinturiers et tanneries.

« Repousser les frontières »

Espaces de coworking, studio photo, ateliers de création et de confection… Au sein de la manufacture règne une ambiance feutrée, à peine dérangée par les bruits de frôlements de tissus et la discrète cadence des machines à coudre qui s’activent épisodiquement.

« On voit plein de machines et peu de travailleurs dessus », dit Gabriel Defrocourt, co-fondateur de Coco&Rico, atelier de création et de confection pour de nombreuses marques, de Marine Serre à Paul & Joe, à partir de matières bio, récupérées et produites en France. Car contrairement aux productions mondialisées, tout est fabriqué sur place et nécessite donc beaucoup de matériel, opéré par des « mécaniciens qui ont de l’expérience », explicite son associée Cléa Polar.

Plus loin, trois couturières s’affairent sur un tissu couleur Terre de Sienne. Une collection « toute en lin » cousue avec du fil « 100 pour cent coton », sans mercerie : « Vous pouvez oublier votre jupe sur la plage », elle est compostable, assure Lucie Mestre, fondatrice du bureau d’études L’Unique Façon, qui accompagne la marque Imajine dans son développement.

« Quand j’ai commencé (un Master de styliste-modéliste, NDLR), on n’abordait pas ces notions », explique Stacy Venient, alternante de 23 ans qui « ne pensait pas du tout » auparavant aux enjeux environnementaux de la mode. « Mais maintenant, c’est devenu une évidence : pour ma collection, je vais faire super attention », promet-elle.

À la manufacture, c’est aussi « l’aspect social » qui a séduit Maya Takeuchi, cheffe d’atelier à Hawa, qui emploie des femmes en difficulté : « On est un petit atelier mais on est en train de repousser les frontières des inégalités entre les hommes et les femmes ».

Sous sa houlette, Annette Ntsama confectionne un grand cabas en jean. « Les choses de la vie » ont mené la mère de famille de 43 ans de l’Italie à la France, de l’hôtellerie à la couture, mais Annette est désormais certaine : « C’est exactement ça que je cherchais ! », affirme-t-elle avec un sourire rayonnant.

Sa cheffe d’atelier Béatrice Megale trouve « très gratifiant » de travailler pour Hawa, grâce « aux retours » que lui font ces femmes que l’association soutient et, jetant un regard circulaire, s’émeut soudain : « Elles sont contentes ». (AFP)

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