Valeurs, conception, prix… Les défis des jeunes marques de mode responsable #208

02/07/2021

Le développement durable est tendance, y compris dans la mode. Pléthore de marques ont fait leur apparition au cours des 24 derniers mois, toutes plus responsables les unes que les autres. Mais derrière ces ambitions, les obstacles restent encore nombreux. Enquête.

Il suffit de jeter un rapide coup d’œil sur les plateformes d’Ulule ou de KissKissBankBank. Elles débordent de campagnes de financement participatif pour des nouvelles marques de mode toutes présentées comme responsables. Ce phénomène se structure depuis quelques années. Certaines sociétés comme le Slip français née en 2012, 1083 sortie de terre en 2013 ou encore Hopaal, qui existe depuis 2016, ont tracé la voie d’une mode plus responsable. Autrefois alternatif, ce choix devient aujourd’hui une norme, sous la pression des consommateurs et consommatrices. Mais malgré le défrichage de leurs aînés et aînées, les créateurs ou créatrices en herbe sont encore confrontés à de nombreux freins.

Un pré-requis pour se lancer 

Il y a encore quelques années, créer une marque de mode avec des valeurs responsables était encore marginal, remarque Thomas Huriez, fondateur de 1083 – entreprise spécialisée dans les jeans durables et qui se revendique Made in France. « En 2013, lorsque j’ai débuté 1083, les mentalités commençaient tout juste à évoluer. Arnaud Montebourg avait notamment fait la Une du Parisien avec une marinière et on sentait une sorte d’attention nouvelle autour du Made in France. Aujourd’hui, c’est devenu un pré-requis. Les marques ont compris que cet engagement était nécessaire ». On imaginerait difficilement un entrepreneur lancer « une marque de vêtements fabriqués à partir de coton conventionnel au Bangladesh » , reconnaît Clément Maulavé, co-fondateur d’Hopaal, producteur de vêtements recyclés.

Aujourd’hui, une importante partie des Français et des Françaises attendent des marques qu’elles s’engagent. Lors d’une étude réalisée en 2019 par l’Institut français de la mode et Première Vision, Gildas Minvielle, directeur de la Chaire IFM-Première Vision, notait déjà « qu’une partie des consommateurs consomment moins mais mieux. Ils sont prêts à payer plus et compenser en achetant moins de produits » . La pandémie n’a apparemment pas gelé ces bonnes intentions. La même étude, réalisée un an plus tard, montrait que 64% des consommateurs envisageaient d’acheter un produit de mode responsable dans les mois à venir. La création des produits dans le pays et le choix des matières premières étaient les principaux points d’attention retenus.

Des attentes entendues par les créateurs qui n’hésitent pas à afficher des labels GOTS ou Oeko tex pour mettre en avant la qualité de leur matière première. D’autres professionnels du secteur en ont aussi pris la mesure. Dans le cadre de la chaire développement durable IFM-Kering, l’Institut français de la mode a développé le certificat Fashion Sustainability, décrit sur son site comme « un programme interdisciplinaire conçu pour fournir aux étudiants les connaissances et les compétences nécessaires pour faire progresser les pratiques de durabilité dans l’industrie de la mode et du luxe ».

Une filière textile « opaque »

Entreprendre dans le secteur de la mode éco-responsable est un chemin semé d’embûches pour celles et ceux qui s’y risquent. Pour coller au plus près des valeurs qu’ils revendiquent, les entrepreneurs se confrontent en effet à un lot de complexités techniques. « Partir d’une feuille blanche et tout construire à partir d’une vision demande moins d’effort que de changer une marque existante, estime Éloïse Moigno, fondatrice du label de mode éthique SloWeAre. Mais il faut créer toute sa chaîne de valeurs, trouver les bonnes personnes, les matières adéquates… » .

En effet, les entrepreneurs et entrepreneuses qui se lancent dans cette aventure ont tout à construire, surtout lorsqu’elles ne viennent pas de ce milieu professionnel, ce qui est souvent le cas. “Avec Mathieu Couacault, nous nous sommes rencontrés en école de commerce, à Toulouse. Quand on a décidé de lancer notre marque, nous n’avions aucune connaissance du marché, explique Clément Maulavé. C’était compliqué car nous n’avions pas de ressources disponibles, ni même de réseau de fabricants” . Même son de cloche pour Marion Lemaire, fondatrice de Splice : « Au départ, tout était difficile car c’était nouveau pour moi. Je viens du monde de l’informatique où j’ai été directrice de projet pendant 20 ans. J’ai donc dû trouver les acteurs de la filière, les rencontrer, apprendre à connaître la matière… » .

 

Lire la suite de l’article sur Maddyness