Tracabilité et transparence : les défis de l'industrie textile #193

07/06/2021

Le lancement de l’indice Higg, marque une avancée notoire dans l’unification de l’impact des produits textiles. Cependant, les critiques autour de cette initiative révèlent des tensions significatives dans l’industrie. 

Depuis le 27 mai, les e-clients de H&M et de Norrona peuvent vérifier la quantité d’eau, de pollution, de combustibles fossiles et d’émissions de gaz à effet de serre utilisée pour fabriquer un T-shirt en coton ou un short par rapport à la moyenne du secteur. Les deux marques sont en mesure de divulguer ces informations grâce à l’utilisation de la première application de l’indice Higg, une série d’outils développés par la Sustainable Apparel Coalition (SAC), déjà utilisée par de nombreuses marques pour calculer leur impact environnemental et social. Si le programme se concentre actuellement sur les matériaux utilisés dans un produit, la SAC a déclaré qu’il s’étendra ultérieurement pour inclure des données sur la fabrication et la responsabilité de l’entreprise au cours des 12 à 18 prochains mois.

Après dix ans d’efforts, il s’agit d’une étape importante pour le SAC qui ambitionne d’établir une norme industrielle permettant d’évaluer et communiquer les données sur la durabilité des produits. Le SAC compte désormais plus de 250 membres, dont le groupe H&M, Kering, Inditex et PVH, la société mère de Calvin Klein et Tommy Hilfiger. D’autres marques et détaillants membres du SAC devraient déployer l’application de l’indice au cours des six prochains mois, notamment Calvin Klein, Tommy Hilfiger, C&A et Zalando. L’objectif est de faire en sorte que tous les membres du SAC puissent prochainement l’intégrer, a déclaré Amina Razvi, directrice exécutive du SAC, à BoF.

Bien sûr, le SAC et l’indice Higg n’ont pas que des approbateur. Le Materials Sustainability Index (MSI) du groupe, un outil permettant d’évaluer l’impact environnemental des matériaux d’un produit, a fait l’objet d’un examen minutieux au fil des ans, en particulier de la part des défenseurs des fibres naturelles et animales. Ces derniers ont affirmé que l’outil était biaisé en faveur de l’empreinte carbone et de l’utilisation de l’eau, et que son approche « cradle to gate » ne tenait pas compte des impacts induits au cours de la phase d’utilisation par le consommateur – dont la pollution par les microplastiques – qui mettrait en évidence le bilan environnemental des fibres synthétiques.

En mars dernier, un groupe représentant l’industrie indienne de la soie a déposé une plainte auprès de la Commission fédérale du commerce des États-Unis, alléguant que l’analyse de Higg sur le matériau constitue une représentation déloyale. Le SAC a déclaré qu’il était confiant dans son évaluation de la soie et d’autres matériaux et que, bien qu’il n’ait pas encore reçu de copie de la plainte, il prenait au sérieux les réclamations de cette nature.

Les critiques font également valoir que les analyses du cycle de vie utilisées pour les différents matériaux ne sont pas cohérentes et ne tiennent pas compte des facteurs socio-économiques ou des nuances des pratiques d’agriculture et d’élevage dans différentes régions géographiques.

Progrès ou perfection ?

L’initiative Higg intervient à un moment où de plus en plus de marques et de détaillants étiquettent leurs produits avec des informations sur leur impact environnemental, comme le calculateur d’empreinte carbone de la marque de chaussures Allbirds et les « reçus » d’impact de la marque de vêtements pour hommes Asket, qui comptabilisent le carbone, l’eau et l’énergie utilisés pour la fabrication, la distribution et l’utilisation de ses vêtements. Mais de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer une approche unifiée et normalisée de la déclaration et de l’étiquetage environnementaux, qui ne repose pas sur des outils propriétaires.

Le sentiment d’urgence est ressenti par la majorité des acteurs du secteur qui se sont alignés sur l’accord de Paris, en fixant des objectifs ambitieux pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’autres aspects de l’impact environnemental, comme les déchets et la consommation d’eau, en moins de dix ans. Mais les progrès actuels sont largement en décalage avec ces engagements limités dans le temps et le secteur est toujours aux prises avec des données incomplètes et des angles morts.

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