Pourquoi la transformation de vêtements vintage n'est pas toujours éthique ? #124

07/02/2021

La mode durable liée au vintage sur TikTok trouve de tristes racines dans la grossophobie.

Au mois de juin, l’utilisatrice TikTok Mariel Guzma a pris une paire de ciseaux pour transformer un short en jean pour homme taille 44. Elle a présenté quelques instructions, précisant la manière dont elle a transformé le short pour lui aller, un TikTok qui a été liké 500.000 fois et commenté 3000 fois, certains commentaires moins favorables que d’autres.

Alors que la génération Z est de plus en plus concernée par les manières durables de consommer la mode, le vintage est évidemment privilégié, tout comme la transformation des vêtements vintage, dit « thrift flipping ». Sur TikTok, le hashtag #thriftflip a 704 millions de vues en ce moment. Quand l’industrie de la mode contribue à 10% des émissions carbones et que près de 85% des textiles se retrouvent dans des décharges aux États-Unis, cela semble évident que le vintage soit une solution plus saine écologiquement, plus créative, et plus accessible.

Mais que cette alternative à la fast fashion soit tout à fait éthique, cela peut encore faire débat. Si les transformations de vêtements sont encore à la mode, des critiques s’élèvent pour expliquer comment cela peut aussi encourager la grossophobie. Les vidéos représentent très souvent de jeunes femmes minces qui achètent des vêtements dans des friperies pour les transformer tellement qu’on ne les reconnait plus. En effet, les transformations de vêtements sont possibles car les vêtements sont dès le début beaucoup trop larges pour elles, ce qui pose problème quand les stocks de grandes tailles sont déjà limitées dans les friperies.

Les photos avant / après dans ces vidéos font écho à une triste vérité sur la manière dont la société pense les grandes tailles et les corps qui les portent. Dans ces vidéos, les créatrices parlent de transformations de vêtements « moches ». Une fois que le vêtement a été « réparé », il devient objet de désir. Il est souvent aussi beaucoup plus petit.

Les corps dits gros et l’esthétique n’ont jamais été associés explique Amanda M. Czerniawski, une professeure associée en sociologie à la Temple University et auteure du livre Fashioning Fat: Inside Plus-Size Modeling. « Ces vidéos nous confortent dans nos attendes sociales et nos croyances autour du corps, tout particulièrement des corps dits gros, comme moins sains, moins disciplinés, flemmards et non désirables ».

Dans ces transformations de vêtements, Amanda nous explique le processus à l’oeuvre : « Je vais prendre ce vêtement extra large, et je vais en changer de forme. Je vais le travailler, de la même manière qu’un corps dit gros a besoin de travailler et de se discipliner pour être en forme ».

I-D Vice