Mode responsable: la nouvelle maturité des consommateurs européens? #779

14/08/2023

La mode a amélioré son image en terme d’éco-responsabilité auprès des consommateurs, qui font des méthodes de production et du choix des matières leur premier critère de durabilité, devant les lieux de fabrication. Et la seconde main devient une porte d’entrée de choix vers cette consommation durable, selon une étude menée par la chaire Institut Français de la Mode et Première Vision.

Présentée le 4 juillet, l’enquête a été menée par l’IFM et Première Vision sur un échantillon de 5.000 répondants représentant les marchés français, britanniques, allemands, italiens et américains. Et donne des chiffres à lire à l’aune d’une enquête similaire menée en 2019.

Le premier enseignement est une amélioration de l’image de la mode concernant les engagements environnementaux. Ce sont désormais 64,3 % des Français (+6 points en trois ans) qui estiment que la mode respecte autant les critères environnementaux que les autres secteurs. Cette part grimpe même à 67,8 % (+8 points) chez les Allemands, à 74,7 % chez les Italiens, et à 81,5 % chez les Britanniques.

« Malgré la crise et l’impact de l’inflation, le changement de l’image de la mode est fortement perceptible », explique à FashionNetwork Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’Institut Français de la Mode (IFM). « Et ceci alors que l’étude menée en 2019 montrait que le secteur était perçu comme moins actifs que les autres sur les enjeux environnementaux. Ce sont des bons signaux, même si les chiffres peuvent décevoir côté dépenses ».

L’étude montre en effet que le panel n’alloue encore pour l’heure qu’un quart de son budget habillement à la mode responsable. Donnée à lire à l’aune du succès de la seconde main, considérée comme responsable, mais dont les prix sont tirés vers le bas. Les Français allouent désormais 148,6 euros à leurs achats de mode responsable, contre 136,5 euros précédemment. En Allemagne, ces dépenses passent de 148 à 212 euros, et de 171 à 230 dollars pour les Américains. Des chiffres en progression alors-même que les ventes de mode n’ont pas retrouvé les niveaux d’avant-crise.

N’en reste pas moins un décalage entre les comportements par secteur. Si 44,9 % des Français ont acheté des vêtements éco-responsables l’an passé, ce sont 68 % des femmes qui avaient acheté des aliments bio, et 63 % des cosmétiques bio. Au Royaume-Uni et en Italie, ce sont respectivement 42 % et 54,4 % des répondants qui ont acheté des vêtements responsables.

Finie l’image du sac à patate un temps associé à l’habillement responsable. Sur l’ensemble du panel, ce sont 9 répondants sur 10 qui jugent que les produits durables sont désormais “fashionnable”. Ce qui n’était le cas que de 8 Français sur 10  en 2019. En Allemagne, la part d’opinion positive progresse même de 13 points.

Quid du manque d’information des consommateurs ? L’étude de 2019 avait souligné cet écueil: 50,4 % des Français non-acheteurs de mode durable l’invoquaient comme principale explication. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 33 %. En Allemagne et aux Etats-Unis, la part de consommateurs s’estimant biens informés a même doublé pour atteindre respectivement 36 % et 57 %. Avec une meilleure information sur les produits, mais également sur les lieux où les trouver. L’étiquette est la principale source d’information, dixit 60 %  à 70 % des répondants selon les pays, devant les portails de marques et leurs comptes sur les réseaux sociaux.

Déconsommation et seconde main
Le quatrième enseignement est une évolution des comportements et formes d’achat. Il ressort une volonté de mieux choisir ses matières afin d’acheter moins mais pour plus longtemps. Quelque 37,7 % des Français font d’ailleurs de la matière leur premier critère d’éco-responsabilité de même que 46,7 % des Italiens et Américains.

Dans cette même veine, il ressort une volonté croissante de réparer ou faire réparer les vêtements déjà possédés. Quelque 64,2 % des Français sont passés par là en 2022, et même 82,4 % des Italiens et 74,5 % des Allemandes. Ce qui n’a pas échappé à certaines marques qui proposent désormais leurs propres ateliers de réparation.

Enfin, l’enquête constate la vigueur non démentie de la seconde main. Une femme sur deux et un homme sur trois ont acheté un vêtement d’occasion l’an passé, au sein du panel. Le prix reste la première motivation dans l’ensemble des cinq pays observés. Mais, fait notable, ce critère de prix s’inscrit en recul, au profit de la volonté de consommer de façon plus responsable.

Un phénomène qu’illustrent en particulier les clients français. Parmi les répondants, la motivation par le prix recule à 68,6 % (-6,2 points). Tandis que, dans le même temps, le motif d’éco-responsabilité gagne du terrain pour atteindre 48 % (+5 points).

“Made in” et traçabilité
Se pose également la question du lien entre proximité et durabilité dans l’esprit des consommateurs. Pour être considéré comme durable, un vêtement doit être produit dans le pays, pour 82,3 % des Français, 79 % des Italiens, et 85 % des Américains.

Une notion qui, en Europe, se régionalise. Une majorité des Français ( 58,5 %), Allemands (69,2 %), Italiens (57,9 %) et Britanniques (56,7 %) considèrent comme responsables les produits textile européens. « Nous voyons émerger une vision du « made in » plus ouverte que par le passé », pointe Gildas Minvielle. Qui note que cette ouverture profite également aux pays de l’Est et même aux productions Euromed.

A contrario, aux Etats-Unis, seuls 28 % des sondés considèrent comme responsable un vêtement venu d’Amérique centrale. Ils étaient pourtant 53 % à penser de même en 2019. Les conflits commerciaux avec la Chine et le « patriotisme économique » de l’ère Trump ne seraient pas étrangers à ce recul.

Il ressort du panel qu’une meilleure information sur la production amènerait à acheter davantage de produits durables. C’est notamment ce qu’estiment 60 % des Français, dont seul un tiers s’estime aujourd’hui suffisamment informé. Et les labels, par leur grand nombre, n’aident pas. Sur 400 labels écoresponsables, douze ont été soumis au panel, avec des niveaux de reconnaissance très hétérogènes. En France, seul l’UE Ecolabel connaitrait un niveau de notoriété d’envergure (74 %).

A lire – Fashion Network