Mode « post-carbone » : et si nous portions des vêtements vivants ? #169

19/04/2021

Des vêtements capables de photosynthétiser, des pigments naturels issus de micro-organismes… A mi-chemin entre mode et microbiologie, la fast fashion peut bien aller se rhabiller.

Des vêtements vivants qui photosynthétisent comme les plantes. Voilà ce qui a valu à la créatrice canadienne Olivia Rubens le prix de la mode responsable du concours ITS (International Talent Support) en octobre 2020. Il faut avouer que sa collection Birds of a feather, d’abord présentée à la Fashion Week d’Helsinki, avait de quoi surprendre les fashion-addicts les plus blasés. Ses vêtements, conçus à l’aide d’un revêtement photosynthétique aux algues, sont capables d’absorber du dioxyde de carbone et de rejeter de l’oxygène : soit de respirer, littéralement, et de contribuer à dépolluer l’air.

« Pour le coup, vous devez en prendre soin, a déclaré la lauréate dans une vidéo Instagram, vous ne pouvez pas le garder dans votre placard car ils suffoqueraient. » De quoi revoir de A à Z, et de nos robes jusqu’aux chaussettes, la façon dont nous traitons nos vêtements au quotidien.

Des animaux sur la peau

Ceux-là ont été conçus avec le studio de recherche transdisciplinaire Post Carbon Lab et doivent être entretenus à la main. Comme une plante, ils ont besoin de soleil et doivent être « vaporisés » régulièrement car la quantité de carbone captée par les micro-organismes du tissu dépend de la santé des algues. Basé à Londres, le laboratoire exploite la photosynthèse pour limiter l’impact environnemental de la mode. Ses deux fondateurs, Dian-Jen Lin et Hannes Hulstaert, y évoluent à la croisée entre design, sciences et textile et créent aussi des pigments microbiens pour remplacer la teinture synthétique, aujourd’hui responsable de 20% de la pollution industrielle des eaux dans le monde.

« En 2019, on a fait une résidence chez Open Cell, raconte Dian-Jen Lin, on y a lancé un service pilote de notre idée et on travaille depuis en collaboration avec des marques, des designers, des artistes et des fabricants. » L’entreprise, également basée à Londres, aide les jeunes pousses à se lancer dans le secteur des biotechnologies et brasse différents sujets de recherche, de la technologie CRISPR à la viande cultivée en laboratoire.

« Pour le moment, on teste beaucoup de choses et on ne fonctionne que sur la base de collaborations, poursuit Dian-Jen Lin. L’idée, c’est de récolter un maximum de retours de nos clients en matière de logistique et de fabrication et d’identifier les acteurs intéressés par ce type de technologie dans l’industrie de la mode. » Dans le cadre de la dernière Fashion Week de Paris, le studio a par exemple collaboré avec la marque DS Automobiles et le collectif de mode EGONlab pour lancer une collection capsule de vêtements photosynthétiques.

Une alternative à l’industrie de la mode

Moins gourmandes en eau et en espaces, absence de pesticides comme pour la culture du coton… C’est en 2017, date à laquelle la jeune femme remporte le prix Kering de la mode durable, que Dian-Jen Lin commence à s’intéresser au potentiel des algues. Celle qui a travaillé près de 10 ans dans le milieu de la mode à Taiwan s’entoure d’une scientifique du National History Museum, la Dr. Anne Jungblut, et pousse plus loin ses questionnements autour de la seconde industrie la plus polluante au monde.

C’est le rôle social et écologique de la mode que les deux entrepreneurs questionnent. Au cÅ“ur de leur mission, la traçabilité et la responsabilité de chaque maillon de la chaîne de production. « Malheureusement, cette opacité fait partie de l’industrie. Quand vous allez chez H&M, vous ne savez pas qui a fabriqué votre t-shirt. Vous ne savez pas si sa teinture synthétique est responsable de l’empoisonnement d’un enfant indonésien qui souffre d’insuffisance rénale… Lorsque l’on collabore avec une marque, on insiste donc pour que notre nom figure partout, nous sommes tenus responsables.  »

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