Le recyclage des vieux vêtements n'est toujours pas viable en Europe #91

27/10/2020

Environ 80 % des vêtements usagés collectés sont exportés, essentiellement en Afrique et en Asie et quand ces débouchés se ferment pour cause de Covid, la collecte française s’arrête, faute de capacité de stockage. L’enjeu est de développer le recyclage en France mais cela coûte cher.

De vieux vêtements s’amoncelant sur les trottoirs au pied de points d’apport toujours condamnés et des collectivités locales furieuses : après le déconfinement, la filière de recyclage textile a eu toutes les peines du monde à redémarrer . La crise sanitaire a mis un coup de projecteur sur ses faiblesses, dont la première est sa dépendance au grand export. Environ 80 % de la collecte est revendue au loin, beaucoup en Afrique et à Dubaï pour une réutilisation ou en Inde pour le recyclage. Seule 5 % de la collecte, ce que les professionnels appellent la « crème », est revendue en magasins en France.

Lorsque l’Afrique et l’Asie, confinées, ont stoppé leurs achats, le stockage en France coûtant cher, la collecte s’est arrêtée dans l’Hexagone. Pour la relancer sans attendre, la réouverture du grand export, l’éco-organisme Refashion (ex-Eco-TLC) a versé aux opérateurs français un soutien financier exceptionnel à la tonne triée (donc collectée). Ce soutien et la reprise des exports ont permis cet été un retour quasiment à la normale des volumes. « On arrive à exporter, mais les prix, notamment en Inde, se sont effondrés et sans le soutien de Refashion, on irait dans le mur », témoigne Pierre Duponchel, le fondateur du plus gros acteur français, Le Relais.

Etiquette fausse

La deuxième vague de Covid menace d’un nouveau blocage. La filière, partout en Europe, n’est pas viable dans son fonctionnement actuel : l’export n’est pas une solution, la qualité des vêtements neufs baisse et les particuliers revendent eux-mêmes en ligne leurs meilleures pièces. « En trente ans, la crème revendable en France est tombée de 8 % à 5 % de la collecte, tout en représentant 30 % de nos recettes », poursuit Pierre Duponchel.

Pour corriger le tir, il faut trouver des voies de recyclage local, prône Refashion, plaidant pour automatiser le tri avec des équipements identifiant la vraie composition des fibres. Car, outre que le tri manuel est complexe vu le coût du travail en Europe de l’Ouest, « une étude commandée par le ministère néerlandais chargé des infrastructures de gestion d’eau a montré que 41 % des étiquettes de composition étaient fausses », a révélé Hilde van Duijn, de la société hollandaise Circle Economy, à la convention mondiale annuelle début octobre du bureau international du recyclage.

Doubler l’éco-contribution

Les enseignes mettent sur le marché 600.000 tonnes de textile par an en France (2,5 milliards de pièces !) et devraient payer une éco-contribution (modulée selon la recyclabilité de la matière) pour financer le recyclage, selon le principe du pollueur-payeur. « En France, l’éco-contribution moyenne n’est que de 0,9 centime d’euro par pièce de vêtement. La porter à deux centimes suffirait à financer la modernisation de la filière » avec notamment des centres de tri matière pour recyclage, souligne Pierre Duponchel. Il rencontrera le 10 novembre Matignon pour obtenir une hausse du soutien financier de Refashion.

Il y a urgence à prendre des mesures. La France est pionnière dans la collecte sélective des textiles, pratique que l’Europe généralisera en 2025. Les volumes collectés vont alors s’envoler. Si la France a collecté 249.000 tonnes de déchets textiles l’an dernier, on estime que l’Europe du Nord en génère 4,7 millions de tonnes par an à elle seule.

Les Echos