Le Lin, fer de lance d'une filière textile française écologique #143

25/02/2021

La France est le premier producteur mondial de lin. Mais, faute de filatures, elle doit envoyer 90 % de sa production en Chine et en Inde pour la transformation. Plusieurs acteurs veulent remonter une filière dans l’Hexagone à commencer par « Linportant » qui vient de créer une gamme de T-shirt en lin bio français. Du boom de la seconde main à celui des applis de mode éthique, Novethic tisse la toile d’une mode plus durable.

C’est une matière naturelle érigée en symbole de la mode responsable. Le lin coche toutes les cases. Il consomme quatre fois moins d’eau que le coton, ne nécessite aucun produit chimique pour la culture et il pousse en France. L’Hexagone en est même le premier producteur au monde. Mais un bémol vient ternir le tableau. 90 % des fibres de lin produites en France sont exportés en Chine et en Inde où elles seront tissées et transformées en chemises ou pantalons. Un manque de cohérence auquel la société Linportant veut remédier.

Le directeur de cette coopérative, Paul Boyer, veut ainsi relancer une filière de production de lin hexagonal, de la culture au produit fini alors qu’une nouvelle étude de l’Union des industries textile montre que relocaliser le textile en France pourrait diviser par deux son empreinte carbone. Cet été, Linportant a ainsi créé une gamme de t-shirt en lin bio dont le lin provient en partie de Normandie et de Seine-et-Marne. « L’idée c’est de faire du circuit-court », explique Paul Boyer. Mais les obstacles ont été nombreux car, la France, grande nation du textile, s’est peu à peu désindustrialisée.

Des filatures en construction

Si les usines de teillage, qui permettent de séparer les fibres par broyage et battage, sont encore présentes sur le territoire, ce n’est pas le cas des filatures. Dans les années 70, la France en comptait encore une cinquantaine, aujourd’hui, elles ont quasiment toutes disparues. En 2020, l’usine Emanuel Lang a décidé de remonter une ligne de filature de lin. La quantité produite est modeste, avec 150 tonnes de fibres, mais elle permet de récréer une filière complète du lin textile en France. Depuis, d’autres projets de filatures de lin ont été annoncées notamment celle de la coopérative normande NatUp en Normandie.

Reste qu’il y a « des résistances au changement », avance Paul Boyer. En premier lieu : le prix. Un kilogramme de lin filé en France vaut environ le double du lin filé à l’étranger. « Depuis 30 ans, la valeur des vêtements a chuté avec le développement de la fast fashion », décrypte la journaliste et présidente de Fashion Revolution France, Catherine Dauriac. « Le polyester a inondé le marché. Il faut réapprendre aux clients ce qu’est une bonne matière et qu’ils acceptent qu’un T-shirt ne coûte pas 5 euros », explique-t-elle. Le T-shirt de Linportant lui, coûte 45 euros. Certaines marques sont en tout cas prêtes à sauter le pas et à soutenir cette filière en reconstruction.

Le chanvre dans le sillage du lin

Plusieurs marques comme 1083, Splice ou le Slip français ont lancé le collectif Linpossible en coordination avec les filateurs Emanuel Lang, Safilin et Tissage de France et des coopératives tels Terres de Lin ou Lin et Chanvre Bio (LCB). Elles s’engagent « pour préparer un maximum de marques à basculer vers une filature locale » à intégrer « dès aujourd’hui le surcoût dans le calcul du prix de revient de leurs vêtements en lin pour l’investir dans la promotion de ce projet et fédérer de nouvelles marques avec nous ».

La ré-émergence de cette filière lin en France fait des émules. L’association LCB veut s’appuyer sur le lin pour remonter la filière de chanvre en France. L’Hexagone en est également le premier producteur mondial avec près de 84 000 tonnes produits contre 32 000 pour la Chine. Reste que ces matières naturelles ne font pas le poids face aux 26 millions de tonnes de coton produites chaque année dans le monde mais montre le chemin vers une mode plus responsable.