« Je ne peux pas rester les bras croisés alors que la planète est lentement recouverte d’une fine pellicule huileuse de plastique dont hériteront nos enfants et les générations à venir ». Une telle déclaration devrait normalement être prononcée par une Greta Thunberg, mais à cette occasion, son émissaire était le créateur de mode Tom Ford, vêtu de son costume tailleur caractéristique et de ses lunettes à monture épaisse.
Il s’est adressé à la foule lors des Green Carpet Fashion awards (GCFA) à Los Angeles le 9 mars, avant d’annoncer les lauréats du prix de l’innovation plastique au mélange inhabituel de stars, d’activistes et de personnalités de la mode durable présentes dans la salle.
Le prix, d’un montant de 1,2 million de dollars en espèces et en investissements, vise à aider les lauréats à développer leurs solutions pour remplacer les polybags en plastique, qui représentent 46 % de l’ensemble des déchets plastiques et ne peuvent être recyclés. Ils sont très répandus dans l’industrie de la mode, car la plupart des nouveaux vêtements sont emballés dans du plastique transparent. Ford estime que 180 milliards de sacs sont utilisés chaque année.
Ce fut le premier prix décerné et il a donné le ton d’une cérémonie axée sur un avenir de l’industrie de la mode centré sur des solutions basées sur la nature.
Leonardo DiCaprio, messager de paix des Nations unies pour le changement climatique, a remis le prix du guérisseur à Sônia Guajajara. La ministre brésilienne des peuples indigènes a été récompensée pour son travail de protection et de régénération des écosystèmes de la Terre.
Dans son discours de remerciement, alors qu’elle portait une magnifique robe et une coiffe multicolores, Sônia Guajajara a déclaré que « la lutte des indigènes est une lutte humanitaire ; en défendant les territoires indigènes, nous protégeons l’air que vous respirez et l’eau que vous buvez ici, de ce côté-ci du monde ».
La gestion des terres a également été au centre des débats lorsque Gabriela Hearst a reçu un prix pour avoir été la sage de l’industrie. Elle a raconté qu’elle avait été élevée dans un ranch en Amérique du Sud, où l’on « travaillait la terre de manière préindustrielle ».
La directrice de la création de Chloé a ensuite présenté un plan en quatre parties pour amener l’industrie de la mode à réussir sur le plan climatique. En commençant par un changement géopolitique pour empêcher la marchandisation de la planète, une infusion d’énergie propre pour sortir le monde des combustibles fossiles, l’autonomisation des femmes sur le lieu de travail et, enfin, un changement de conscience.
Le GCFA a été fondé par Livia Firth en 2017 et se tient généralement à Milan. Consultante en mode durable pour la société Eco-Age, Livia Firth a commencé à attirer l’attention sur les problèmes de durabilité de la mode en 2010 en portant des vêtements de créateurs éthiques sur le tapis rouge lors de la campagne des Oscars de son mari Colin Firth pour Le Discours d’un roi, qui a été couronnée de succès.
L’audience a reflété son réseau de célébrités et comprenait Cate Blanchett, Quannah Chasinghorse, Heidi Klum, Amber Valletta et Naomi Campbell. Jerry Hall, Georgia May Jagger et Annie Lennox ont remis les prix à l’actrice Alicia Silverstone et au rédacteur en chef du Vogue britannique Edward Enninful.
Vers la fin de la soirée, le plastique a de nouveau été mis à l’honneur, les créateurs de vêtements à base de plantes n’ayant pas remporté le prix Rebel. Eric Liedtke, cofondateur de Unless, a fait référence à l’utilisation généralisée de matières synthétiques telles que le polyester, qui représente plus de 60 % des fibres mondiales : « Lorsque l’on regarde la mode, on s’aperçoit qu’elle est faite de plastique et de produits pétrochimiques. Ces matériaux sont éternels. Ils ne disparaîtront jamais ».
Unless n’utilise que des matériaux, des fils et des boutons naturels pour créer une ligne de vêtements de ville relativement simple, en insistant sur le fait que ses vêtements se biodégraderont lorsqu’ils seront enfouis dans le sol. Parmi leurs innovations, citons une basket biodégradable à base de plantes et entièrement dépourvue de plastique, fruit d’un partenariat avec Natural Fiber Welding (soudage de fibres naturelles).
Moins de trois mois après sa mort, il aurait été impossible pour une cérémonie de remise des prix de la mode durable de ne pas mentionner Vivienne Westwood, qui est largement considérée comme la première guerrière de la mode écologique. Le prix du messager a été remis à son mari Andreas Kronthaler et à la Fondation Vivienne, et c’est sa petite-fille Cora Corré qui est montée sur scène pour l’accepter en son nom.
Avec un accent anglais plus raffiné que celui de sa grand-mère, mais vêtue d’une robe écossaise à bretelles caractéristique de Westwood, Corré a transmis à la foule l’énergie provocatrice de Vivienne Westwood. Elle a dénoncé le projet de loi britannique sur l’asile, qui viole la Convention européenne des droits de l’homme en refusant aux personnes fuyant la guerre, les persécutions ou la famine le droit de demander l’asile.
Ce fut un rappel bienvenu, alors que la soirée touchait à sa fin, que les vrais changements se font rarement sans inconfort, sans courage et sans passion.
Plus d’informations dans The Guardian.