Une de mes amies tient une boutique vintage à Londres. Elle se rend régulièrement dans un énorme entrepôt en banlieue pour farfouiller dans d’énormes piles de vêtements mis au rebut. La plupart ne valent rien, mais pour qui sait chercher, c’est une véritable mine d’or.
Cet entrepôt a une longue histoire. Au départ, il servait à stocker les restes de laine de mauvaise qualité qui étaient ensuite utilisés pour fabriquer des vêtements bon marché destinés au plus grand nombre à l’époque victorienne. Un siècle plus tard, rien n’a vraiment changé. Aujourd’hui, l’entrepôt déborde de matières modernes : du coton de piètre qualité, du polyester, de la viscose et du nylon, sous la forme de vêtements à bas prix fabriqués en série dans le monde entier. Sauf que ces vêtements finiront à la décharge et dans les usines d’incinération, et ne seront pas recyclés.
Ces surplus sont les produits d’une industrie qui, ces trente dernières années, est devenue l’une des plus lucratives mais aussi des plus dévastatrices pour la planète. La fast-fashion [ou mode jetable] remplit nos armoires de fringues bon marché qui font du bien au moral. Mais après des décennies de croissance impudente, le modèle se heurte à des limites environnementales vitales et tout le monde s’accorde à dire – même au sein du secteur de la mode – qu’il est temps de rétrograder.
“L’industrie de la mode représente une énorme menace pour l’environnement”, explique Kirsi Niinimäki de l’université Aalto à Espoo, en Finlande.
Comme la malbouffe, la mode jetable procure un plaisir immédiat sans se ruiner. Ce terme de fast-fashion [construit sur le même modèle que fast-food] est entré dans le langage courant en 1989 après un article du New York Times qui expliquait qu’un magasin Zara réussissait à proposer sur ses portants un nouvel article de prêt-à-porter à peine quinze jours après sa conception. À l’époque, les enseignes de prêt-à-porter renouvelaient leurs collections deux fois par an. Aujourd’hui, les plus rapides peuvent en proposer deux par mois.
Ce modèle économique se nourrit d’achats impulsifs, de vêtements de qualité médiocre à bas prix et de la quête infinie de la nouveauté, constate Kirsi Niinimäki. Ces dernières décennies, ce schéma de consommation est devenu la norme pour la plupart des gens en Occident et se répand dans le reste du monde, soutient Patrizia Gazzola, de l’université de Insubria à Varese, en Italie. Les multiples tentations incitent les consommateurs à acheter plus de vêtements alors qu’ils n’en ont pas vraiment besoin ou même pas vraiment envie. En outre, ils les portent moins souvent et s’en débarrassent plus rapidement. Les (nombreuses) statistiques sur le sujet donnent le vertige. Le magazine Vogue, la bible des fashionistas, nous apprend ainsi que, sur 100 milliards de vêtements produits chaque année, trois sur cinq seront jetés dans la même année.
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