Des vêtements à la demande : une solution pour une mode plus responsable #146

03/03/2021

Une nouvelle génération de marques propose des vêtements à la demande, en misant sur le registre de la durabilité et les outils du numérique.

A cause de la pandémie, les Français achètent moins de vêtements. Une bonne nouvelle pour la planète ? Pas nécessairement, puisque les arrière-boutiques sont pleines de stocks à écouler coûte que coûte. C’est ainsi que fonctionne la « fast fashion » : fabriquer en masse, à bas coût, des collections sans cesse renouvelées, puis pousser les consommateurs à les acheter. Afin d’éviter ce gâchis, une nouvelle tendance a émergé ces dernières années : ne confectionner que les vêtements qui sont réellement souhaités, grâce à la pré-commande en ligne.

Pré-commande en ligne

En France, quelques marques comme Asphalte, Réuni et Hopaal se sont lancées sur ce créneau. Avec des formules différentes, elles ont en commun de faire uniquement de la vente en ligne et de mettre en avant l’éco-responsabilité de leur démarche : une fabrication française ou européenne, des matières moins polluantes, des vêtements résistants.

Plutôt que d’acheter beaucoup de pièces à bas coût qui s’abîment vite, elles proposent d’investir dans des belles pièces qui seront portées plusieurs années. Quand on sait qu’en Europe, selon Oxfam, 4 milliards de tonnes de vêtements sont jetées chaque année, après n’avoir été portés qu’entre sept à dix fois en moyenne, cela fait sens.

Consommer moins, mais mieux, c’est toutefois réduire le droit à l’erreur du fabricant. Certaines marques se lancent pour cela dans la « co-création », selon le terme employé par Adrien Garcia, fondateur de la marque Réuni. Avant d’élaborer ses modèles, l’entreprise envoie des questionnaires à sa « communauté », afin de cerner au mieux ses attentes de taille, forme ou matière.

« Plus écologique et plus rentable »

Le digital, c’est aussi le cœur du métier de Tekyn. Cette entreprise, créée en 2017, développe des techniques robotiques et industrielles pour produire massivement du textile à la demande. Ses fondateurs ont créé une plate-forme en ligne permettant aux marques de vêtements de commander en flux tendu des kits de tissus, découpés par une machine connectée dans un « kitting center ». Ces kits sont ensuite envoyés aux ateliers pour confection.

Le fabricant français de machines pour les industries textiles, Lectra, propose lui aussi une gamme d’outils labellisée « fashion on demand ». Aux Etats-Unis, ce concept dit « made to order » (fabriqué pour être commandé) s’est développé plus tôt, et comme dans tous les secteurs, les géants de la tech sont sur le coup. En 2015, Amazon a déposé un brevet pour un système de fabrication de vêtements à la demande entièrement automatisé. Mais pour l’heure, il ne s’agit que d’un projet.

« Toute la chaîne de valeur qui est à reconstruire »

Pas si facile d’être éco-responsable en matière vestimentaire, car tout dépend des kilomètres parcourus par les différents composants et des matières utilisées.

« Mais il ne suffit pas de changer de matière, c’est toute la chaîne de valeur qui est à reconstruire », affirme Julia Parigot, professeure en stratégie d’entreprise à l’Institut supérieur de gestion (ISG). C’est là que la fabrication à la demande trouve son intérêt, mais selon elle ce n’est pas la seule solution pour produire moins : « De plus en plus de marques développent des collections qui ne sont plus saisonnières, avec des produits intemporels qui durent dans le temps. »

« Notre site nous est indispensable pour permettre aux clients de faire leurs choix en ligne. Le logiciel de patronage Lectra m’est également très utile. Mais pour la confection, je préfère quelque chose de simple, avec une personne qui s’occupe d’un vêtement de A à Z. C’est plus gratifiant que la fabrication à la chaîne », relate Heide Baumann, co-créatrice de Aatise. Elle souligne par ailleurs que les solutions robotiques ont un coût que peu de petits créateurs peuvent se permettre.

De même, la relocalisation ne passe pas uniquement par la high-tech. Par exemple, le lin utilisé dans la confection pousse majoritairement en France, mais il est ensuite pratiquement tout le temps envoyé en Chine, car il n’y a quasiment plus d’ateliers de filature en Europe. Le groupe Velcorex vient de relancer cette activité en Alsace. Non pas grâce à des robots, mais en rachetant des machines à filer… qui datent d’il y a plus de cinquante ans ! Qui a dit que l’industrie textile était passée de mode ?