Bientôt des vêtements à base de CO2 ? #224

30/07/2021

Fabriqué à partir de produits pétroliers, le polyester représente 60% des textiles produits et un tiers des émissions de l’industrie.  Comment rendre ce matériau écologique ? Focus avec Benoît Illy, président et cofondateur de Fairbrics, membre de la communauté du coq vert de Bpifrance, qui développe du polyester à base de CO2.

Usbek & Rica : Comment parvenez-vous à fabriquer du polyester avec du CO2 ?
Benoit Illy : Nous avons développé une nouvelle technologie basée sur la chimie catalytique. Elle consiste à convertir le CO2 en précurseurs, qui sont les molécules chimiques utilisées pour la fabrication du polyester. Ça paraît un peu magique comme ça, mais la nature le fait très bien. Les arbres capturent du CO2 et le convertissent, grâce à des enzymes et l’énergie solaire, en fibre naturelle. On reproduit ce procédé en laboratoire. Simplement, au lieu d’utiliser des enzymes, on utilise des catalyseurs. Et au lieu de produire des fibres naturelles, on produit des fibres synthétiques. L’un des gros avantages de la technologie, c’est que le matériau, le polyester, reste identique. On change juste la manière de le fabriquer. C’est donc complètement transparent pour les clients.
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Usbek & Rica : À quel point cela réduit-il le bilan carbone d’un t-shirt, par exemple ?

Benoit Illy : Un t-shirt produit une empreinte carbone d’environ 200g de CO2, simplement pour la matière première. Après, les étapes de confection ajoutent environ un tiers en plus. Soit un total de l’ordre de 300g de CO2 par t-shirt. Avec notre technologie, on peut ramener cette empreinte à 200g de CO2 émis sur le produit final. Pour le moment, nous sommes en phase laboratoire. Nous avons déjà fabriqué des premiers échantillons de vêtements en toutes petites quantités. Nous sommes en train de faire une levée de fonds pour monter une ligne pilote qui nous permettra d’augmenter la production du kilo à la tonne.

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Usbek & Rica : Selon vous, comment peut-on décarboner l’industrie textile ?
Benoit Illy : Les matières premières sont l’un des plus gros chantiers auxquels s’attaquer. Il y a aussi l’énergie. Tous les procédés industriels utilisent de l’énergie et ça se passe beaucoup dans des pays asiatiques où la part du charbon est encore très forte, comme en Inde ou en Chine. Transitionner vers des énergies plus vertes aurait un impact très fort sur les émissions de l’industrie textile. D’autre part, on remarque que les mentalités sont en train de changer. La plupart des grands groupes se sont engagés à diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre, avec le Fashion Pact ou la Charte de l’industrie de la mode lancée lors de la COP24. Mais elles n’ont pas encore un plan clair pour y arriver. Personnellement, je suis persuadé qu’avec des technologies de rupture comme celle que nous sommes en train de développer, on peut parvenir à une industrie textile neutre en émissions de CO2.
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