Au cours des deux dernières semaines, les dirigeants de 175 pays se sont réunis à Ottawa, au Canada, pour régler les détails d’un traité mondial visant à mettre fin à la pollution plastique. Ce traité devrait être finalisé lors d’un dernier cycle de négociations qui se tiendra en Corée au mois de novembre.
La question est urgente. Une nouvelle étude réalisée par le Lawrence Berkeley National Laboratory, un centre de recherche et de développement financé par les États-Unis, a révélé que les plastiques ont augmenté plus que tout autre matériau en vrac sur terre au cours de la dernière décennie, avec des conséquences importantes et dommageables pour la santé humaine et l’environnement.
La pollution par le carbone engendrée par la production de plastique est responsable de 2,24 gigatonnes de CO2 par an, soit près de 5 % de l’ensemble des émissions mondiales. Les microplastiques, dont certains proviennent de la mode synthétique, pénètrent dans notre organisme par le biais des aliments que nous mangeons et de l’air que nous respirons, avec des conséquences dangereuses pour la santé. Selon les Nations unies, plus de 2 400 produits chimiques associés aux plastiques sont préoccupants pour notre santé ou pour la planète. Et comme ils ne sont pas biodégradables, des produits comme les collants en nylon et les baskets en polyester peuvent rester dans les décharges pendant des générations. Les plastiques incinérés libèrent des métaux lourds et des toxines.
Selon Walter Schuldt, négociateur en chef de l’Équateur, les discussions sur le traité mondial sur les plastiques concernent « la survie de l’avenir de la vie, non seulement de la vie humaine, mais aussi de toutes les formes de vie sur cette planète ».
La mode du plastique
Le plastique, sous forme de polyester, d’acrylique, de nylon et d’élasthanne, a fusionné avec la mode. Bon marché, durable, fonctionnel et abondant, le polyester est aujourd’hui le textile le plus utilisé au monde, représentant plus de la moitié de la production mondiale. Il n’en a pas toujours été ainsi : avant 2000, les fibres naturelles dominaient l’industrie de la mode.
L’élément le plus controversé des négociations en cours sur un traité relatif à la pollution par les matières plastiques pourrait contribuer à rétablir l’équilibre. Certains pays « ambitieux » font pression pour que des objectifs de réduction de la production mondiale de plastique soient fixés, à l’instar de l’accord de limitation du réchauffement climatique conclu dans le cadre de l’accord de Paris des Nations unies en 2015.
Mais l’industrie de la mode ne se concentre pas sur la réduction de la production. Au lieu de cela, les grandes marques, les groupes commerciaux de l’industrie et les consortiums soutenus par les ONG, qui sont toujours dominés par les intérêts des entreprises, se concentrent sur la promesse du recyclage et de la réutilisation, en s’appuyant sur des technologies qui n’ont pas encore fait leurs preuves à grande échelle, qui ne sont pas compétitives en termes de coûts et qui ne s’attaquent pas à la question fondamentale de la surproduction.
Un récent rapport parrainé par Lululemon et publié par le groupe de commerce Textile Exchange a mis en lumière ce point de vue. Ce rapport, intitulé « The Future of Synthetics » (L’avenir des matières synthétiques), indique que l’industrie doit renoncer à l’utilisation de matières plastiques vierges à base de combustibles fossiles pour atteindre ses objectifs en matière de climat, et recommande de passer à des alternatives telles que le recyclage de textile à textile, les matières biosynthétiques et les matériaux fabriqués à partir de carbone capturé.
Malheureusement, ces mesures sont loin de répondre aux ambitions affichées par Textile Exchange.
Pourquoi ?
Aucune de ces technologies émergentes ne peut concurrencer le polyester vierge en termes de prix, d’efficacité ou de volume. Toutes les solutions privilégiées nécessitent des décennies et des milliards de dollars d’investissement pour être mises à l’échelle – des capitaux qui ne seront pas consacrés à des options financièrement inefficaces. En outre, il n’est pas encore prouvé que l’une ou l’autre de ces options permettra de réduire de manière significative les émissions de carbone de l’industrie ou de limiter les niveaux toxiques de produits chimiques et de microplastiques libérés par la mode plastique actuelle.
Ce qui peut être fait
Si la première étape du plan de Textile Exchange visant à réduire la dépendance croissante de l’industrie de la mode à l’égard des matières plastiques est fantaisiste, le rapport propose une deuxième étape : réduire le volume global de matières produites et vendues.
L’adoption de cette recommandation aurait un impact profond et immédiat. Malheureusement, le rapport ne fait aucune suggestion sur la manière d’accomplir ce changement radical.
De même que les autres grands pays producteurs de combustibles fossiles s’opposent à toute proposition visant à plafonner la production mondiale de plastique, l’industrie de la mode n’est pas disposée à envisager des idées susceptibles de freiner sa croissance. Après tout, pour des marques telles que Lululemon, sponsor du rapport, leur valorisation dépend de l’augmentation de la production.
Toutefois, s’il n’est pas possible de plafonner les ventes de produits de mode, une taxe suffisamment élevée sur les matières plastiques constituerait un pas dans la bonne direction. Une telle mesure découragerait l’utilisation du plastique en augmentant son coût et rendrait plus attrayantes les alternatives naturelles moins dommageables. Elle créerait en même temps une réserve de fonds pour remédier aux effets négatifs de la pollution plastique sur l’environnement et la santé.
Considérons, par exemple, que les taxes sur les cigarettes ont fait grimper les prix et chuter la consommation.
Pour ceux qui insistent néanmoins sur le fait qu’une telle proposition est fantaisiste, il suffit de regarder du côté de la France, qui envisage déjà d’instaurer une taxe sur la mode de type péché. Plutôt que de recommander des « solutions » douteuses, l’industrie de la mode devrait soutenir des voies crédibles pour réduire ses impacts négatifs, restaurant ainsi son statut de force créative et constructive pour le bien.
En savoir plus – BOF