Au terme d’une journée très active sur les stands salon Made in France, c’est l’ensemble des fédérations et représentants de la filière (textile, habillement, cuir, lin, laine…) qui ont convergé vers le Carreau du Temple (Paris IIIe) pour l’occasion. Portant des écharpes tricolores en lin offertes par le président de l’Union des Industries Textiles Olivier Ducatillion, patron du tisseur Lemaire Demeestere, les ministres Rima Abdul Malak (culture) et Roland Lescure (industrie) ont fait l’éloge de la capacité du secteur à se réunir autour de projets communs.
« Peu de filières en France sont aussi organisées que vous, avec des grands acteurs qui font en sorte que des petits puissent émerger », a souligné le ministre délégué à l’Industrie, saluant notamment le rôle d’ambassadeur du luxe français à travers le monde, et appelant à accélérer la fierté collective de dire que l’on produit et consomme français. « Dans le champ des industries culturelles, ils vous regardent tous: livre, musique… » pointe de son côté la ministre de la Culture. « Ils voient qu’au-delà des discours, chartes et groupes de travail, ce sont aussi des actions concrètes qui peuvent être lancées ».
Un point sur lequel abonde Guillaume de Seynes, président du CSF Mode et Luxe et dirigeant du groupe Hermès. « Je ne suis pas porté sur les grands discours, mais sur les actions concrètes et pragmatiques ».
Pour le CSF, qui rassemble fédérations de marques et fabricants, pouvoirs publics et organisations syndicales, cette signature intervient un peu plus de quatre ans après celle d’un premier contrat stratégique, alors acté dans un Institut français de la mode recevant les ministres Bruno le Maire (économie) et Franck Riester (culture). Un avenant avait par la suite été signé en avril 2021, actant treize démarches liées à la formation, l’accompagnement des entreprises, les aides à la relocalisation ou encore la traçabilité et la mode durable.
“Ce nouveau contrat n’est pas une révolution, mais la poursuite du contrat précédent dans ses ambitions et ses objectifs, et surtout son effort collectif”, explique à FashionNetwork la déléguée générale du CSF Mode et Luxe, Frédérique Gérardin. “Ce contrat apporte surtout un nouvel élan, avec de nouveaux ministres impliqués et de nouvelles personnalités qui ont émergé du côté de la filière. Il convenait donc de remettre les choses à plat, de confirmer les budgets, de renouveler l’engagement de chacun. Car nous sommes face à des défis qui s’inscrivent dans le temps long ».
Formation et attractivité des métiers techniques
Le document d’une trentaine de pages a pour premier axe la formation. Domaine dans lequel sont formulés trois objectifs distincts, pour des projets financés via l’OPCO 2i, opérateur de compétences des filières industrielles.
Le premier de ces objectifs est la promotion de l’attractivité des métiers techniques. La filière se plaint en effet depuis des années de la difficulté de trouver de nouvelles recrues, qualifiées ou non, au point de mettre en péril l’accélération que connait depuis 10 ans la filière textile tricolore. Un défi, donc, face auxquels le nouveau contrat mise la campagne “Avec l’industrie, on a un avenir à fabriquer” lancée par l’OPCO 2i, budgétisée à 250.000 euros environ.
Un autre objectif est la sauvegarde, la transmission et la pérennisation des savoir-faire. Un point sur lequel le contrat de filière mise notamment sur l’expérimentation d’une démarche de “parcours forfait” pour mieux appréhender les départs en retraite des tenants des savoirs-faire. Mais la filière se donne également pour objectif de développer de nouveaux cursus prenant en compte des enjeux tels que le numérique ou le développement durable, via des plans de formation au sein de la filière et entre filières. Le tout pour un budget de 300.000 euros fixé jusqu’à juin prochain.
« Nous avons des besoins », résume Guillaume de Seynes. « Nous devons parler de nos métiers, et adapter les mécanismes de formation pour les rendre pertinent face aux évolutions des besoins des entreprises ».
Accélérateurs et aides à la relocalisation
Un deuxième axe du contrat porte sur l’accompagnement des entreprises avec Bpifrance. Un projet qui passe notamment par la poursuite du développement d’accélérateurs dédiés, avec une offre d’accompagnement spécifique pour marques et sous-traitants. Un projet budgétisé à 726.000 euros et qui sera financé par Bpifrance et par les CPDE (comités professionnels de développement économique). Des organismes que la filière connaît bien via le Defi (mode), le Centre technique du cuir (CTC) et Francéclat (bijoux et horlogerie). Les CPDE et les fédérations se partageront les commandes des projets d’accélérateurs.
Autre volet: le déploiement d’un dispositif “Objectif Made in France” d’aide à la relocalisation. Un dispositif qui devrait être financé à hauteur de 325.000 euros par Bpifrance, être placé sous la gouvernance du Defi, et profiter à la Maison du savoir-faire et de la création, émanation de l’UFIMH (Union des industries de la mode et de l’habillement).
Décarbonation, traçabilité, affichage…La durabilité est le troisième grand axe de ce nouveau contrat de filière. A commencer par la décarbonatation, via un accompagnement piloté par l’Union des industries textiles (UIT) et les CPDE, et financé à hauteur de 35.000 euros en partie par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).
Deux objectifs sont fixés côté traçabilité. Le premier est la diffusion des enseignements des projets pilotes, menés en 2022 et 2023 sous la direction du comité de pilotage Traçabilité RSE de la filière, et dont une synthèse sera connue en janvier 2024. Est également prévu pour 2023-2027 un accompagnement à l’intégration des méthodes de traçabilité. Deux objectifs financés par les CPDE.
L’affichage, grand sujet de 2023, n’est pas oublié. Le CSF souhaite comparer les méthodes et bases de données utilisées sur un échantillon anonymisé et représentatif de produits textiles. L’objectif est de s’assurer que les démarches d’éco-conception revendiquées soient “pertinentes, objectives, transparentes, évolutives, PME compatibles et compatibles avec la réglementation européenne”. Le dispositif mobilisera 110.000 euros auprès de l’Ademe, des CPDE et des CTI (centres techniques industriels).
Un autre objectif est d’établir un suivi des réglementations RSE en train de se construire. Un tâche qui sera placée sous la direction d’Eric Boël pour l’UIT et de Frank Boehly pour le CNC (Conseil national du cuir). A ceci s’ajoute, sous la direction de l’éco-organisme ReFashion, un projet de méthodologie pour le calcul de recyclabilité des produits.
Acculturation numérique
Le dernier grand axe de ce contrat version 2023 est le numérique. Et l’objectif que se fixe le secteur mode et luxe n’est pas des moindres: établir un partage d’informations et une veille d’innovations au sein de la filière. Avec pour finalité de permettre aux PME de gagner en compétitivité via un gain de compétence.
Ce projet est placé sous la gouvernance de l’IFTH (Institut français du textile-habillement), du CTC et du Défi via des secrétariats tournants de trois mois, et confié notamment à l’équipe “Solutions du futur” du CSF. Un module d’échange devrait à terme voir le jour, dans un format et une fréquence qui reste à définir, notamment avec les pôles de compétitivité.
La filière française de la mode et du luxe revendique un chiffre d’affaires annuel de 154 milliards d’euros, via un écosystême générant quelques 615.600 emplois directs, et plus d’un million d’emplois indirects. Forte de 10.000 postes à pouvoir par an, la filière indique générer une part du PIB supérieure à celle de l’automobile et de l’aéronautique réunis.
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