Becca Coughlan, responsable de la transparence chez Remake, décrit la circularité comme « la réduction de la production de matières premières » (et donc de la consommation) et son remplacement par des services et des comportements qui prolongent autant que possible la phase d’utilisation des vêtements. Il est donc important de se demander si les tentatives de ces marques de fast-fashion d’exploiter le marché de l’occasion permettent réellement d’atteindre cet objectif.
Parmi les exemples de systèmes de revente et d’initiatives de reprise, citons ASOS Marketplace (qui existe depuis 2010), Nuuly Thrift (qui appartient à Urban Outfitters), Like New de LuLuLemon, Secondhand de Levi’s, et le nouveau service de location pour enfants d’ARKET, filiale de H&M. À première vue, ces initiatives semblent formidables. Nous voulons évidement que les marques de mode deviennent plus circulaires. Cependant, ce n’est pas nécessairement ce que ces marques ont l’intention de faire. Le problème se pose lorsque les mêmes marques qui accueillent ces entreprises de seconde main les utilisent principalement comme un moyen de créer plus de profits pour elles-mêmes en conservant leurs modèles linéaires de surproduction, plutôt que de modifier leurs modèles d’entreprise pour refléter une réelle circularité. […]
Les programmes de reprise qui encouragent la consommation
Certaines marques, comme H&M, ont commencé à mettre en place des bacs de retour dans leurs magasins, où les clients peuvent rendre leurs vieux vêtements […] en échange de bons qui offrent aux clients des réductions pour acheter plus de vêtements de la marque. Ces systèmes de « circularité » de retour fonctionnent comme des stratagèmes de marketing pour maintenir les clients piégés dans un cycle de consommation tout en garantissant que les profits augmentent pour les marques. La Fondation OR a mis en évidence que de grandes marques comme H&M, ASOS et Boohoo sont parmi celles que l’on retrouve le plus souvent dans les décharges de pays anciennement colonisés, comme le marché de Kantamanto au Ghana et le désert d’Atacama au Chili.
Il s’agit d’une preuve matérielle que ces programmes de circularité ne fonctionnent tout simplement pas comme on nous le dit. Coughlan explique comment « un énorme manque de transparence » est au cœur de ce problème, la destination réelle des vêtements retournés étant cachée aux consommateurs bien intentionnés. Au lieu de cela, le public doit rassembler les pièces du puzzle à partir de sources multiples, de sorte que « inévitablement, on peut supposer que ces articles sont vendus à des fins lucratives sur des marchés de seconde main dans diverses parties du monde ».
La surconsommation du Nord devient ainsi le problème du Sud, ce qui est extrêmement problématique. En raison du manque de transparence et, également, du manque de sensibilisation des consommateurs, les entreprises ont pu qualifier ces initiatives de reprise de « circulaires » et s’en tirer à bon compte. » La transparence radicale dans l’industrie de la mode s’étend donc non seulement à la fabrication d’un vêtement, mais aussi à sa fin de vie.
Comme l’a noté le Fashion Accountability Report 2021 de Remake, aucune marque ne peut prouver que ses « initiatives circulaires » remplacent la production de nouveaux vêtements. La revente et la location sont certes en hausse, mais elles fonctionnent en parallèle de la production linéaire traditionnelle, de sorte qu’au lieu de ralentir la consommation de vêtements, les consommateurs sont encouragés à acheter plus que jamais. Les grandes marques ne pourront jamais prétendre à la circularité si elles continuent à produire des millions de vêtements par an sans aucun signe de ralentissement, même si elles tentent de collecter et de revendre un petit pourcentage de vêtements usagés. Mais peut-être y a-t-il encore de l’espoir pour un avenir meilleur, comme l’affirme Coughlan, « ce concept de véritable circularité est encore très intimidant pour les marques car il semble si différent du statu quo. Cependant, il y a tellement de possibilités pour les entreprises d’exercer et de montrer leur créativité et leur ingéniosité lorsqu’il s’agit de développer de nouveaux modèles économiques, et n’est-ce pas là l’essence même de la mode ? ». Espérons que les marques relèveront le défi.
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