C’est un immense vaisseau de 4 000 m2 tout en pierre de taille, près du canal Saint-Martin, dans le Xe arrondissement de Paris. Après deux ans de travaux, l’ancienne caserne des sapeurs-pompiers de Château-Landon, désaffectée depuis 2005, accueille depuis septembre le premier incubateur dédié à la « green fashion ». Sa mission : sensibiliser le milieu de la mode à la transition écologique et accompagner, pendant trois ans, des marques déjà écoresponsables ou souhaitant le devenir via de la formation, des outils et du réseau.
« Pour la jeune génération de créateurs, cela tend à devenir la norme », souligne la sociologue de l’environnement Majdouline Sbai, autrice en 2018 de « Une mode éthique est-elle possible ? ». Peu à peu, tout le secteur s’y met. La marque de luxe Chloé a signé en mars 2021 ses premières collections capsules (en série limitée) issues du commerce équitable. De son côté, le groupe LVMH a inauguré, en avril, Nona Source, une plateforme en ligne qui met à la disposition des professionnels de la mode des chutes de tissus à prix cassés. Petit Bateau a quant à lui lancé au printemps le programme « Changer (De) main », un service inédit de reprise de vêtements (contre bons d’achat) au sein des boutiques. « À la CSP Paris, qui regroupe les marques Well et Le Bourget, spécialistes des produits féminins, tous nos produits sont désormais fabriqués à partir de teintures écoresponsables. Elles sont 20 % plus chères mais permettent d’économiser 40 % d’eau », se félicite son directeur général Thierry Simon. Il précise : « 20 % de notre production s’appuie sur des fils recyclés. »
Ces quelques exemples illustrent un vrai mouvement de fond. Depuis les accusations de travail forcé et de destructions d’invendus qui ont entaché plusieurs grandes marques ces dernières années, tout le secteur bouge. « Certains développent l’utilisation de matières écoresponsables, d’autres travaillent sur les circuits courts ou créent des filières de réemploi », énumère ainsi Laure Du Pavillon, cofondatrice de l’association Paris Good Fashion. Les consommateurs poussent à la roue. D’après une étude menée par OpinionWay pour l’ONG Max Havelaar, publiée en avril dernier, 60 % des Français se disent prêts à boycotter une marque qui ne produit pas de vêtements équitables.
Le contexte réglementaire est aussi favorable à une évolution des pratiques. La loi antigaspillage pour l’économie circulaire (Agec), votée en 2020, a été aussi un vrai stimulus. L’objectif ? Interdire à toutes les entreprises de la mode et du textile d’éliminer leurs invendus dès le 1er janvier 2022. « Les défis socioenvironnementaux sont tels qu’on ne peut plus continuer à surproduire », insiste Arielle Lévy, vice-présidente de Fashion Green Up. Cette association réunit une communauté d’acteurs de la mode engagés pour rendre le secteur plus vert. « Il faut apprendre à mutualiser, à faire avec ce que l’on a, à produire au plus juste. La technologie peut nous aider. Plutôt que de dépenser des kilomètres de tissu pour faire des prototypes, on a la chance aujourd’hui de pouvoir modéliser en 3D. Alors allons-y ! »