Alors que la marque new-yorkaise Another Tomorrow s’approvisionnait depuis plusieurs années, en laine auprès de deux fermes situées à Nile, une ville rurale de Tasmanie, l’un des agriculteurs a dû faire face à une série de sécheresses qui ont asséché le fourrage pour ses moutons, menaçant ainsi l’approvisionnement en laine.
Lorsqu’une quantité inhabituelle de pluie a frappé la région cette année et que le fourrage était abondant, l’agriculteur a pensé qu’il avait enfin un répit. En août, après avoir tondu ses moutons, il a envoyé la laine pour qu’elle soit testée. Le verdict fut désastreux : Les fortes pluies avaient transformé la qualité de la laine, la rendant inadaptée aux tissus d’Another Tomorrow, qui exigeaient une qualité plus épaisse. « La qualité technique de la laine avait tellement changé que nous ne pouvions pas l’utiliser », explique Vanessa Barboni Hallik, PDG d’Another Tomorrow. « Nous avons dû chercher un nouvel approvisionnement ».
Another Tomorrow n’est qu’une des nombreuses marque à avoir été confrontées à des pénuries de matières premières en raison des schémas météorologiques imprévisibles et extrêmes causés par le changement climatique. Du coton au cachemire, de nombreuses catégories de fibres naturelles et de textiles en ressentent les effets.
En ce qui concerne le coton, les six principaux pays producteurs – l’Inde, le Pakistan, le Brésil, la Chine, les États-Unis et la Turquie – sont fortement exposés à l’instabilité climatique, le nord-ouest de l’Afrique et l’Asie occidentale et méridionale étant les plus menacés, selon un rapport de Cotton 2040. Quelque 40 % des régions productrices de coton connaîtront des saisons de croissance plus courtes d’ici 2040.
Mais le coton n’est pas le seul à être menacé. La production de soie, dans les régions tropicales où les températures augmentent, feront que les chenilles auront de plus en plus de mal à construire leurs cocons. L’instabilité des températures et la diminution des réserves d’eau, commence également a impacter la qualité et la quantité de cachemire. Et d’autres…
Le 17 novembre, Google a annoncé qu’il lançait le Global Fibre Impact Explorer, un outil construit sur Google Earth et Google Cloud pour identifier et évaluer les risques environnementaux de 20 fibres différentes en raison de facteurs tels que la pollution atmosphérique, la biodiversité, les gaz à effet de serre, la sylviculture et l’utilisation de l’eau. Cet outil s’inscrit dans le cadre du partenariat permanent entre Google et le WWF, qui vise à créer une plateforme de suivi des matières premières durables, et s’intéresse plus particulièrement au lien entre le changement climatique et les matières premières utilisées. Stella McCartney est la première marque à tester l’outil.
Les avertissements des scientifiques sont sans appel. « L’industrie de la mode doit comprendre ce a quoi nous devons nous attendre : davantage de mauvaises récoltes », déclare Jennifer Francis, directrice adjointe par intérim du Woodwell Climate Resource Centre. « Il est très probable que les cultures utilisées pour les tissus deviendront encore plus chères ou ne seront tout simplement plus disponibles. »
La mode cherche des solutions
En 2015, le géant du luxe Kering a prévenu que la qualité et la disponibilité des matières premières étaient déjà impactées par la crise climatique. « Beaucoup de choses ont changé depuis cinq ans, lorsque nous prenions tout juste conscience des risques potentiels », explique Helen Crowley, responsable de l’approvisionnement durable et des initiatives en faveur de la nature chez Kering. « Le secteur est désormais à la recherche de solutions pour le climat ».
L’une de ces solutions consiste à diversifier l’approvisionnement entre les différentes régions géographiques afin de s’assurer que si les conditions météorologiques faiblissent dans une région, les entreprises de mode peuvent se tourner vers une autre. Another Tomorrow élargit par exemple sa base de fournisseurs pour réduire les risques de pénurie à l’avenir. Toutefois, la diversification de l’approvisionnement présente des inconvénients, notamment celui de rendre plus difficile pour les entreprises la vérification des conditions de travail de leurs fournisseurs. « Nous croyons qu’il faut avoir un approvisionnement traçable pour de bonnes conditions de travail », déclare le PDG Barboni Hallik.
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